ITEM Martine Neddam
Martine Neddam
Entrevue réalisée le 25 mars 2008 sur Skype
D’origine française, Martine Neddam vit et travaille à Amsterdam. Sa pratique artistique s’ancre dans un univers textuel politico-poétique, où le langage est abordé comme un acte performatif, au sein d’un espace public dont il remet en question les codes et les règles, repousse les limites.
Intervenue déjà en 2005 et 2006 comme professeure invitée à l’EAVM de l’UQAM, l’artiste revient cette année, du 5 mai au 25 juin 2008, pour donner aux étudiants de maîtrise un séminaire sur le thème du personnage et partager avec eux son expérience du net art, en tant qu’auteur d’identités virtuelles.
A cette occasion, la revue Item l’a invité à parler de sa pratique, dont elle raconte les origines de l’évolution vers le cyberespace à travers l’histoire de la naissance sur la toile des personnages de Mouchette, David Still et Xiao Qian.
Item : Quelle était ta pratique artistique avant de te consacrer à l’art sur internet ?
Martine: J’ai toujours fait des œuvres qui mettent en scène le langage, la performativité du langage. Je m’intéresse depuis longtemps à la théorie des actes de langage. Des philosophes ont formalisé cette théorie qui me passionne, Austin en particulier, philosophe britannique des années 60. Il a écrit un livre qui s’appelle «How to do things with words», qui pose les bases de la théorie des actes de langage. D’autres théoriciens comme Derrida ou Searle ont repris ce sujet après lui. C’est un sujet qui a toujours animé ma pratique : comment utiliser les actes de langage et comment les mettre en scène en tant que performance ?
J’ai fait des expositions dans des musées, dans des galeries, qui mettaient en scène du texte comme, par exemple, l’œuvre « Marche sur moi », créée dans la coupole du Gemeente Museum de Arnhem, en 1992. C’est une sorte de présence personnelle. Il y a quelque chose qui parle, on ne sait pas qui parle mais on est interpellé par la parole.
« Il n’y a pas de droits d’auteur sur les lois » est une autre oeuvre, une commande publique dans un palais de justice. Les lois sont des textes extrêmement performatifs. Écrire une loi, c’est vraiment faire un acte, c’est établir des règles pour la société, c’est un acte social très fort. Pour cette œuvre, j’ai voulu travailler avec la matière même des textes de loi. Dans le code des droits d’auteur du Pays-Bas, il y a un article qui dit «Il n’a pas des droits d’auteur sur les lois» ce qui signifie qu’on peut les changer! J’ai fait une œuvre à partir de cette idée-là. Accrochée dans une des salles du tribunal, elle est une mise en scène des verbes qui décrivent l’acte de juger. J’ai utilisé le texte qui définit le rôle du juge. J’ai isolé tous les verbes et j’en ai fait une composition visuelle que j’ai intitulée « la machine à juger » parce que les verbes ont un rôle actif. Ensemble, ils forment une sorte de moteur qui représente l’action de juger. J’ai réalisé un dispositif de gravure sur plexiglass où la lumière interprète le texte : elle projette l’ombre du texte sur le mur, sinon il resterait invisible. C’est une forme qui met en scène le texte, mais qui analyse visuellement des fonctions du langage et en particulier la fonction de l’adresse à un interlocuteur.
Internet n’existait pas encore. Je faisais ces œuvres-là, utilisant le langage comme matière première. Ce qui était important pour moi, c’était que mon travail soit destiné à un espace public. Le texte prend un sens selon son environnement et il est interprété par un public spécifique. Dans le musée, c’est le public du musée alors que dans le palais de justice, c’est le public du palais de justice qui, au fond, se fout de l’art. Il est juste interpellé par des textes qui lui racontent quelque chose qu’il est en train de vivre.
Item : Est-ce que vous considérez le spectateur comme un juge ?
Martine : Oui bien sûr. Tout le monde juge. J’ai travaillé avec les juges pour qu’ils m’expliquent ce qu’était un palais de justice. Un palais de justice est lieu public. Tout le monde a le droit d’entrer dans la salle d’audience dans un procès, sauf dans des cas particuliers, comme les procès impliquant des mineurs. Il n’y a que dans les dictatures où les procès sont à huis clos. Dans un pays démocratique, un procès doit être public, c’est la loi. Donc, le magistrat juge, mais le public, c’est-à-dire toi et moi, juge le juge. Le lieu du jugement est un lieu ouvert au public où même le juge est jugé. Cela met en jeu des questions qui m’ont toujours occupées et qui m’occupent encore maintenant au travers les personnages de Mouchette et de David Still : l’interprétation d’un mode d’adresse, l’analyse théorique du langage, la performativité du langage, le langage comme espace public, comme espace partagé, espace collectif.
Item : Internet est-il d’après-vous un espace public ?
Martine : Au début, l’Internet était un espace très particulier, un espace de liberté, un espace sans règles. Maintenant, il y a de plus en plus de règles, implicites ou explicites mais au début, il n’y en avait aucune, c’était la jungle. À cette époque-là, j’étais impliquée dans des grandes commandes publiques à gros budgets avec beaucoup de responsabilités et avec toutes sortes d’institutions qui doivent donner leur avis… autant d’embûches à surmonter auprès de ces entreprises qui durent des années et des années avant qu’on puisse réaliser les oeuvres… je ne me sentais pas libre du tout. En 1996 avec l’avènement d’Internet, c’était très facile d’y faire quelque chose parce que le HTML était au début un langage très simple, une sorte d’espace de liberté pour faire la première chose qui te passe par l’esprit. Ça ne coûtait pas cher, il suffisait d’avoir une connection. On pouvait être complètement spontané, contrairement à ces grands projets dans l’espace public, où entre le moment où j’avais conçu l’idée et le moment où l’œuvre atteignait le public, j’avais vraiment d’autres affaires en tête car il se passait parfois quatre ou cinq ans. L’Internet était un médium qui permettait de s’adresser au public avec des moyens d’une simplicité incroyable et qui ne reposait au fond que sur des individus reliés entre eux par un réseau très direct, de personne à personne. En 1996, je m’y baladais tout le temps, je regardais tout ce qui s’y passait et j’étais complètement fascinée. C’était un monde qui commençait, un monde sans règles, un monde qui créait ses propres règles, où tout se faisait par le langage. Il y avait peu d’images, il y avait surtout des textes. On cliquait sur un mot sous lequel il y avait un lien et ainsi on changeait de page : c’était un acte de langage vraiment évident !
Mouchette
J’ai créé ce site d’une petite fille parce que l’acte de présentation de soi était déjà un acte très répandu et ce dès le début du web. Le genre est arrivé tout de suite. En 1994, au premier temps du net, c’était plutôt des programmeurs qui faisaient les pages web, mais ils avaient toujours envie de se présenter et ils gardaient toujours un petit espace de leur site de travail pour se montrer eux-mêmes. Ils montraient leurs photos, leur moto, leur chien ou je ne sais quoi… C’était très drôle parce qu’on voyait déjà que c’était un genre en soi pour présenter la personne qu’on était. En mêmetemps, Internet était un monde nouveau auquel peu de gens avaient accès ; on ne pouvait jamais savoir si l’information était vraie ou pas. Si le programmeur mettait sa photo comme quelqu’un de très beau, on avait aucune raison de savoir s’il était très beau ou très laid.
Le nom de Mouchette est choisi d’après un film des années 60, intitulé Mouchette réalisé par Robert Bresson. C’est l’histoire tragique d’une petite fille de 13 ans, un grand classique du cinéma. Je me suis inspirée de ce film, mais mon personnage est différent. Une des œuvres sur le site montre le rapport entre le personnage du film et mon personnage, mais cette œuvre a été censurée par la suite car les héritiers de Bresson n’appréciaient pas mon utilisation des images du film.
À l’époque, au tout début, c’était parfaitement crédible que cela puisse être l’œuvre d’une petite fille. Les internautes me demandaient constamment si j’avais vraiment 13 ans. Il y avait un désir très fort de savoir qui était de l’autre côté, de traverser l’écran. En 98, 99, Mouchette était déjà devenue un personnage célèbre et il y avait des parodies de son site. On imitait son style et les internautes adoraient faire des faux sites de Mouchette. L’Internet, c’était un médium où la création fonctionnait sur le mode du partage et de l’échange. Pour faire sa propre page, on allait copier une autre page, ou bien s’en inspirer. On regardait le code source et on piquait dans le HTML ce qui nous plaisait ou on copiait les javascripts tels quels, sans même les comprendre et ça marchait parfois. Maintenant, ces sortes des copies de code source ne sont plus possibles puisqu’on utilise beaucoup les blogs qui sont des interfaces déjà toutes prêtes, et il y a juste un tout petit peu de soi là-dedans, très peu que l’on puisse vraiment changer. Autrefois, utiliser le net était plus actif. C’était comme une utopie de la communication soudain réalisée : le premier médium où le récepteur est un émetteur qui se sert du même outil, pas seulement du même câble mais le même navigateur comme un instrument de réception et un instrument d’émission.
La photo pour moi est comme une scène de théâtre. Elle sert de décor mais c’est le langage qui fait l’action, l’action de faire se rencontrer physiquement deux personnages : l’émetteur et le récepteur se rejoignant des deux côtés de la vitre de l’ordinateur qui simule la surface de contact. C’est comme si le personnage était à l’intérieur de l’écran, prêt à être embrassé, prêt à écouter un secret qu’on lui chuchote à l’oreille. Mais cette situation de rencontre, c’est le texte qui l’installe et non pas l’image.Aussi j’ai tout de suite eu envie de mettre dans la page web un espace où le public puisse rajouter son texte, participer à l’œuvre, échanger des mots et des dialogues avec le personnage.Dès le début, dès les années 96, 97, 98, mes œuvres se sont construites en interaction avec le public. Pour moi, Internet, c’était pour ainsi dire le medium rêvé, qui me permettait de mettre en scène le langage et la participation par langage et en même temps de créer la vie, de simuler la vie à travers un personnage.
Mouchette est très vite devenue célèbre. Le monde des artistes sur Internet était un tout petit monde. Je ne révélais jamais que j’étais l’auteur de Mouchette. On pouvait toujours contacter Mouchette par email, mais je ne disais pas si j’étais un homme ou une femme. Tout pouvait être une fiction. L’œuvre s’est construite autour de cette opacité, une opacité de l’auteur, c’était très important que les gens puissent fantasmer sur l’auteur, l’auteur inconnu, l’auteur anonyme… J’ai fait beaucoup d’œuvres où je mets en scène le personnage pour mieux cacher l’auteur: vous voulez voir Mouchette, alors voilà je me montre… et j’ai fait une œuvre avec des images de visages en gros plan qui mettent en scène des contacts physiques à travers l’écran, avec la langue ou l’oreille parce qu’à travers l’ordinateur, il y a toujours une présence intime, le corps est très proche de l’écran. L’Internet est un espace public mais en même temps on est toujours tout seul devant son écran, et cet aspect-là m’intéressait beaucoup. Dans cette œuvre, on ne peut pas identifier la personne qui se montre en photo ; c’est comme dans la vie, lorsque les gens sont trop proches on ne peut même plus les voir. C’est un jeu sur ce type de la communication, où vous êtes à la fois tellement loin qu’on ne sait pas qui vous êtes et trop proche pour qu’on vous voie en entier. C’est la première fois qu’il existe un médium qui ne soit pas du tout analogue, c’est-à-dire que tout y est codé : la voix, les images, tout. Derrière ce clavier, on ne peut pas savoir qui il y a, on peut identifier une machine mais on ne peut pas identifier une personne. C’est pour le plaisir de cette situation que j’ai fait cette oeuvre sur les gros plans qui mettent en scène une intimité à la fois par la photo et le langage, où l’on tente de dire un secret à l’aide d’un gros plan sur une oreille.
David Still
Je m’étais aperçu que des internautes se faisaient passer pour Mouchette. Ils créaient des fausses adresses de Mouchette, donnaient mon nom dans les forums et disaient que c’était eux qui avaient fait le site. Ça me faisait beaucoup rire, j’aimais bien cela. Les internautes avaient aussi réalisé de nombreux faux sites de Mouchette, et c’est cela qui m’a mise sur la piste du partage d’identité.
J’ai même fait plusieurs œuvres de Mouchette qui incitaient le public à faire des faux sites. Aux environs de 2001, j’ai eu envie de faire un personnage qui serait dédié qu’à cela, qu’à l’appropriation du personnage représenté et c’est comme cela que David Stillest né. J’aurais voulu permettre l’usage Mouchette à tout le monde, en lui créant une interface spéciale, mais je n’y étais pas encore tout à fait prête. J’ai conçu David Still pour qu’on puisse se faire passer pour lui.
J’ai conçu la personnalité de David Still et le design de son site spécialement pour son rôle. La circulation du site est complètement rationnelle, contrairement au site de Mouchette qui est un véritable labyrinthe. Mouchette était née spontanément, sans calcul, mais David Still, lui, a été complètement pensé. Pour lui, j’ai fait un casting, je cherchais la personne au physique approprié, je voulais qu’il soit un personnage moyen qui n’ait pas le moindre élément culturel minoritaire. Je l’ai conçu à partir de stéréotypes mais il n’est pas complètement artificiel, il est tout à fait crédible. Il est blanc, masculin, de langue anglaise et il est l’utilisateur d’ordinateur moyen, en tout cas, pour 2001, car à présent le public d’Internet s’est popularisé et les utilisateurs sont plus jeunes. Je me disais que lorsqu’on se cache derrière quelqu’un, il ne faut pas que ce soit quelqu’un de trop singulier avec des caractéristiques trop remarquables. Il faut que l’on puisse aisément disparaître derrière lui. David Still, c’est comme l’autre de l’autre…
e l’ai conçu pour qu’on puisse envoyer des emails de sa part, avec son nom comme auteur. C’était aussi intéressant de composer sa personnalité par les photos que par texte. J’ai écrit ses messages comme une partie de sa personnalité. Je l’ai conçu comme un type très sympathique parce que je savais qu’il allait avoir un boulot pas sympathique du tout : d’offrir l’usage de son nom pour envoyer des messages anonymes.
Ici, par exemple, David Still montre d’une manière très claire en première page ce qu’il a à donner : son email. Chez lui la circulation est très claire, il n’y a pas d’ambiguïté, c’est un outil, c’est pour ça qu’il est très stéréotypé, archétypal. C’est un outil de communication mais un outil qui brouillait les pistes… J’en parle au passé parce que depuis environ un an, j’ai été obligée de désactiver sa fonction d’envoi email car j’ai eu trop de problèmes. J’ai été renvoyée de plusieurs hébergeurs à cause de l’usage subversif du email. Des usagers se sont plaints d’avoir reçu des messages hmmm… très désagréables. Brouiller les pistes identitaires, subvertir le jeu, ce sont des choses qui sont maintenant très difficiles à faire parce que les règles sont trop bien établies et il est interdit de les enfreindre.
Mais je me bats pour que le travail de Mouchette et de David Still ne disparaissent jamais. L’irrationalité, la subversion, c’est quelque chose qui tend à disparaître du net. Je n’étais pas la seule à le faire à l’époque, on jouait tous à cela. Ce n’était pas pour tricher mais au contraire pour faire en sorte qu’on cherche les choses, pour taquiner, pour encourager l’exploration. Autrefois, les choses étaient difficiles à trouver, on faisait beaucoup d’efforts en vain, ou alors, on tombait dessus par hasard. Maintenant, les moteurs de recherche ont changé totalement les modes d’accès, les choses doivent être trouvables au maximum, mais c’est Google qui décide comment. Avant, c’était un monde beaucoup plus sauvage, il n’y avait pas d’autoroutes. C’était amusant de jouer à cache-cache avec le spectateur, lui faire chercher les informations dans la page. Il y avait beaucoup d’énergie interactive au fond. Ce qui m’a toujours intéressé dans l’interactivité, c’est de la susciter sans la demander explicitement, de composer la nature de l’interactivité.
À partir de David Still, j’ai voulu faire d’autres personnages comme lui, des personnages spécifiques qui pourraient s’exprimer en ligne. En particulier, je voulais faire une jeune fille algérienne voilée à Marseille. C’était intéressant justement de travailler des personnages dont la visibilité est problématique et de voir comment, sur le net, on peut peut-être se les approprier. Ce projet a eu des embûches très graves, je n’ai jamais pu le faire parce que je touchais vraiment à des fonctionnements de base de notre société. Au fil des années, les règles se sont mises en place sur le net et maintenant on navigue de manière très, très limitée entre ces règles.
Xiao Qian
Il y a un an et demi, j’ai crée Xiao Qian, un personnage chinois. J’ai beaucoup voyagé en Chine, j’ai fait des résidences et je voulais faire une sorte de David Still chinois, destiné à promouvoir la liberté d’expression. C’était un défi, un rêve un peu naïf. Mais je n’ai jamais réussi à faire le personnage que je voulais. Les chinois ne voulaient pas travailler avec moi. C’était trop dangereux pour eux de brouiller les pistes ou d’enfreindre les règles. Alors j’ai pris un certain recul vis-à-vis de l’interactivité et j’ai modifié mon approche. Avec Xiao Qian, j’ai utilisé la notion de personnage virtuel comme un procédé narratif qui me sert à raconter l’histoire de personnages réels ou fictifs. Je me suis inspirée de certains documentaires où les personnages sont la structure de l’information ; ils sont tous réels mais je les ai stylisés. Parfois, ils sont complètement fabriqués. J’aime bien que l’on puisse se poser la question en tout cas.
Au fond, tout le monde est devenu un personnage virtuel à partir du moment où quelqu’un fait des choix, l’exprime et le construit dans un médium. Choisir une photo, un texte, choisir un nom, même si c’est au plus proche de soi, ça crée de toute façon un personnage virtuel. Sur le net, il n’y a que ça. Par exemple dans Facebook, les gens sont des personnages virtuels. Même s’ils ont des raisons personnelles d’utiliser leur vrai nom et des éléments de leur vie réelle, c’est quand même quelque chose qui relève du personnage virtuel… le net est devenu une nouvelle forme sociale où les personnages virtuels se rencontrent comme dans un immense théâtre de marionnettes.
À partir du personnage de Xiao Qian, ce que j’ai travaillé le plus, c’est l’interface visuelle, le design. Je n’aime pas les interfaces qui servent à l’échange et à la communication comme Facebook ou Myspace parce que je les trouve moches et encombrées, sans parler des publicités qu’elles véhiculent. Si on compare la surface du navigateur qui est utilisée et qu’on n’a pas choisie avec celle où l’on écrit son texte, cela équivaut à un sur une échelle de dix. J’ai donc voulu travailler un design qui donne des images plein cadre, avec un texte en superposition et une certaine fluidité de circulation. J’ai beaucoup travaillé sur la composition afin que l’interface soit belle visuellement, bien que le contenu soit important aussi, bien sûr. Comme je le disais, j’ai beaucoup voyagé en Chine pour réaliser ce projet et aussi pour enseigner. J’ai accumulé beaucoup d’images. Je pense qu’à travers ce site, on rencontre des aspects de la Chine dont j’ai voulu parler.
Item : Il y a un aspect documentaire mais auquel on ne peut pas se fier complètement.
Martine : En effet, mais c’est une bonne chose, non ? On croit trop facilement la télé, Internet, les journaux… je pense que c’est une forme, j’allais dire de politesse, mais c’est même plus que ça, une forme d’honnêteté envers le public de dire que ce n’est probablement pas tout à fait vrai. Remettre de la fiction dans la réalité, c’est une forme d’honnêteté, enfin, moi, je le sens comme ça. Après toutes ces années d’usage de la télé, on perd le réflexe critique… je ne sais pas si on l’a jamais eu, d’ailleurs. C’est mon héritage des situationnistes, de « la société du spectacle » d’après Guy Debord. Je pense que touteréception d’un message devrait s’accompagner de la critique du médium, d’une évaluation de la source. On est mis en demeure d’évaluer la source comme quelque chose qu’on ne connaît pas très bien. Cela devrait être au fond une attitude normale pour tous les médiums. Lorsqu’on lit un article dans le journal, l’on n’en connaît pas l’auteur, on n’évalue que partiellement la source du message.
Entrevue réalisée le 25 mars 2008 sur Skype, initialement publiée dans la Revue ITEM