Louis-José Lestocart
Mouchette, Flesh and Blood.
Mouchette, clone de la Mouchette de Bresson morte à 13 ans, prouve sa réalité dans le site Flesh and Blood en montrant sa langue d’une manière qui touche aux limites les plus physiques du médium : la vitre du moniteur sur laquelle le visiteur doit venir coller sa joue et … sa langue (pour un baiser virtuel ?). Acte de foi, l’image y devient logos (discours/langue) incarné et contient une lisibilité à plusieurs niveaux.
Certes on peut nier ou résister à cette évidence. Pourtant ce que Mouchette montre ainsi, paradoxalement, ce n’est pas une personne de chair et de sang (ce n’est d’ailleurs pas elle), mais le médium lui-même sur lequel elle semble poser “sa“ langue et nous invite en faire autant. Il y a là un secret dont cette “incarnation“ se présente comme cas particulier.
Le Christ, dans le tableau du Caravage L’incrédulité de Thomas, prouve son existence (comme messie) en montrant ses blessures – même s’il s’agit là de blessures “peintes“- et invite Thomas à y mettre ses doigts. Thème de l’ostentatio vulnerarum souvent présent dans la peinture, renvoyant tout autant à la question de l’identité qu’à celle du médium.
S’il faut croire en quelque chose, c’est en la peinture (pour le Caravage) et au médium (pour Mouchette), et au delà, au processus de la “création“ dans le net.art (dont on discute souvent la validité) et à la “réelle présence“ de Mouchette sur le réseau.
Or cette présence/mystère n’est qu’un avatâr. Comme dans toute représentation où il se crée une proximité dans la distance, une durée étendue dans la simultanéité, un invisible visible, etc.) et même, à cause du nom. Car sous Mouchette se cache une artiste issue de l’Institut des Hautes Etudes en Arts Plastiques. Femme portant un (autre) nom, ayant beaucoup fréquenté les milieux de l’Oulipo et se préoccupant de linguistique. La situation proposée dans ce site est d’ailleurs à peu près similaire à celle observée dans le domaine des représentations verbales. Nous sommes même peut-être là face à une interprétation possible de ce qui fait l’essence d’un certain art du net : la linguistique performative.
Parler la langue d’internet, c’est s’engager dans une certaine forme de conduite gouvernée par des règles et y être soumis. On retrouve là des propositions inhérantes au being human d’Annie Abrahams : constater, questionner, commander, promettre. Propositions ni vraies, ni fausses car cela peut toujours réussir ou échouer, aboutir voire mal tourner. Dans l’énoncé performatif (speech-acts : quand dire, c’est faire) selon John L. Austin et John R. Searle, philosophes analytiques du langage dont se réclame Mouchette, l’idée d’identité du “je“ conçu comme narrateur littéraire ou plutôt le sujet posé par l’indicateur “je“ intime un comportement. Ce comportement correspond alors chez l’exécutant (l’internaute) à la recherche de création d’un langage métaphorique qui engendre à son tour un désir de territoire (un déploiement de territoire tel un origami), fondateur de la validité des règles constitutives de la langue choisie/construite par l’artiste. Il y ainsi co-émergence d’intention différentes au départ mais qui convergent vers une solution ou un choix. Or, si Je signifie la personne qui énonce la présente instance de discours contenant je, le locuteur donc, Je ne se réfère à rien dans le monde si ce n’est à quelque chose d’exclusivement linguistique. dans l’art du net, le locuteur désire toujours (et exprime d’une certaine façon son désir) faire une métaphore.
L’énoncé performatif Meet my parents présent au sein de Flesh & Blood, sur lequel on doit cliquer, ne décrit pas seulement une action mais devient cette action. Par l’effet du jeu de mots entre meet (rencontrer) et meat (viande) : on voit des morceaux de viande non identifiables tout juste bons à être estampillés papa ou maman. Ici, le texte correspondant à une image coïncide avec l’acte de percevoir cette image. La particularité formelle de ces “promesses“ ou énoncés, est qu’elles donnent lieu à un “acte“ spécifique. Ou plutôt toute énonciation est un acte, comme le montre un autre site intitulé Kill my cat (tuez mon chat). Une fois le “meurtre“ accompli, avec évidence et immédiateté, vient la question de Mouchette : un frame affiche “pourquoi ?” Cette question, engendrant la culpabilité, ne finira par avoir de sens que sur le trajet de toutes les réponses qu’elle peut recevoir. Ainsi se créent après une “littérature potentielle“, une imagerie et un sens tout aussi potentiels.
C’est aussi en cela que chaque publication, chaque lettre, fax ou mail ou encore contribution à une mailing-list – où le sens peut se modifier dans chaque énonciation- en rapport avec le travail d’un artiste, deviennent une partie de celui-ci.
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LANGAGE(s) DU NET
L’art est-il devenu une espèce ayant besoin de muter ? Le net par les flux, les modes rhizomiques qui l’avivent, la mutation radicale d’une création basée sur des liens réels avec les internautes, suscite un renouveau complet des méthodes d’analyse. Pourtant, les observateurs pris dans une Weltanschauung (représentation du monde) caduque, font souvent des gloses attendues face à ce qui est vraie “anomalie” dans un paradigme artistique triomphant (1). Certes la grande innovation du net.art est de dématérialiser l’œuvre et d’organiser l’espace autour d’elle en structures séquentielles, en tenant compte des questions de diffusion et des nouvelles donnes spatio-temporelles et sociales propres au médium. Ainsi se fait une nouvelle réalité artistique ayant parfois recours à des notions mathématiques et physiques pointues qui modélisent au mieux, pensée créatrice et intellectuelle, conscience et représentation, tout en se plaçant dans la globalité de perception du champ économique et géopolitique mondial. Néanmoins, la culture du net, loin de se référer à la seule esthétique, s’illustre surtout par des créations de communautés virtuelles et langagières, créant de nouveaux schémas identitaires et sociaux, unies par des centres d’intérêts partagés où l’interlocution et l’observation des comportements et des dynamiques de pensée deviennent “art” à part entière. Mailinglists depuis 1993, newsgroups (antérieurs à la formation de l’Internet d’aujourd’hui) et toutes sortes de dispositifs conversationnels, comme les IRC et les chat., qui tendent à changer perception de l’art et de la vie quotidienne. En particulier dans cette forme d’engagement consistant à échanger librement des informations. Cette situation cependant a conduit très vite à une position paradoxale voire inconfortable. Qui parle en définitive ? Et qui lit et regarde ? la question de l’identité individuelle, qui touche aussi bien l’artiste que l’internaute, étant, par là même, la première abordée (2).
Métaphore I – Langage et avâtar.
Pour Harold Garfinkel, ethnométhodologue, l’individu se définit par réflexivité au travers de son propre langage. L’image réflexive renvoyée dans l’acte de communication entre interlocuteurs amplifiant les traits dominants, les interactions langagières et conversationnelles avec autrui sont seules propres, selon lui, à donner la vraie identité. Et, partant, la véritable identité d’ “artiste”. L’art considéré ici sera donc méthode et langage – “actes de langage“ (speech acts) selon John Austin et John Searle, philosophes analytiques du langage, pères de la linguistique performative : “Quand dire c’est faire“. Ici, le langage seul, bien qu’il n’assure en rien véracité ou pertinence de la description, reste lié aux questions de représentation et sert à décrire la réalité. Un des premiers états du langage est la question. Olga Kisseleva, artiste russe vivant en France, pose, en 1996, sur le net, la question How are you ? La réponse à cette adresse à l’autre est un hypertexte qui décrit, via une infinité de messages d’internautes de divers pays, nombre d’expériences individuelles. Travail sur l’identité donc, mais aussi idée d’une présence/absence. Qui est là ? Personne en fait. D’où l’idée d’avatar, manière commode de (se) poser des questions. Kisseleva joue ici le personnage d’une confesseuse mais encore une fois qui parle ? Annie Abrahams, elle, représente artistiquement des systèmes complexes dans Being human. Ce site inspirés par les travaux de Francisco Varela en sciences cognitives sur l’énaction, le couplage structurel par des interactions récurrentes, sur l’auto-organisation et la fermeture opérationnelle (operational closure), décrit et simule tout ce qui est important pour l’être humain. Expérience de sensations et de sentiments, il tient compte aussi des possibilités et des limitations de contact et de communication sur le net. Tout repose aussi dans being human, sur le texte (la réponse des internautes suscitée par l’artiste). Réponses étant provoquées par les stimuli (mood-mutators) que l’artiste installe pour le visiteur (tendresse, a kiss et respect). Par là, tout en s’interrogeant sur la différence individuelle, elle cherche les “ diviseurs communs ” de tout être humain. Sur le site, ces thèmes de l’identité et de la présence sont symbolisés par un moi indéfinissable, un moi-avatâr (qui finit par se réduire à un code-barre) de plus en plus complexe et instable. Mouchette, dans le site Flesh and Blood,joue, elle, à prouver sa “réalité” en montrant sa langue d’une façon qui touche aux limites les plus physiques du médium : la vitre du moniteur où le visiteur doit venir coller sa joue et … sa langue (pour un french kiss virtuel ?). L’image y devient logos (discours/langue) incarné et contient un sens à plusieurs niveaux. Ce qu’elle montre, ce n’est pas une personne de chair et de sang (ce n’est d’ailleurs pas elle), mais le médium lui-même (écran et image numérique). Il y a là un secret dans cette “incarnation“. Presque eucharistique. Or cette présence/mystère n’est là aussi qu’un avatar, idéateur néanmoins de la situation proposée (définie par le programme et les invites sur lesquels on doit cliquer) qui devient similaire aux représentations verbales : descriptive, évolutive, imprévisible(3).
“Parler la langue d’internet”, c’est s’engager dans une conduite gouvernée par des règles et y être soumis. C’est aussi, au sens propre, se déplacer. Tout comme le sens se déplace sans arrêt. On retrouve là des propositions inhérentes au being human d’Abrahams : constater, questionner, commander, promettre. Offres ni vraies, ni fausses car pouvant toujours réussir ou échouer. dans l’art du net, le locuteur désire toujours (et exprime d’une certaine façon son désir) faire une métaphore. L’énoncé performatif Meet my parents présent au sein de Flesh and blood, sur lequel on clique, ne décrit pas seulement une action mais devient cette action. Le jeu de mots entre meet (rencontrer) et meat (viande) crée des bouts de viande non identifiables mais estampillés papa ou maman. Le texte correspondant à une image coïncide avec l’acte de percevoir cette image. La particularité formelle de ces “promesses“ ou énoncés, est qu’elles donnent lieu à un “acte“ spécifique. Ou plutôt toute énonciation est un acte, comme le montre un autre site intitulé Kill my cat (tuez mon chat). Une fois le “meurtre“ accompli, avec évidence et immédiateté, vient la question de Mouchette (un frame affiche pourquoi ?) Cette question, engendrant la culpabilité, ne finira à son tour par avoir de sens que sur le trajet de toutes les réponses qu’elle peut recevoir. Ainsi se créent après la “littérature potentielle” de l’Oulipo (dont se réclame Mouchette), un “écrit potentiel”, une imagerie et un sens tout aussi “potentiels”.
Exister, être-auprès-de et comprendre. Il y a là recherche d’un sens nouveau qui s’applique tout autant à l’artiste qu’à l’œuvre. Sens passant par la linguistique. “Faire être“ (et soi et l’autre) et “faire faire” est une opération causative s’exerçant dans le langage et sur le langage dans une recherche de Lebenswelt (soit net, cadre d’une vidéo ou bien monde réel). Dans une vidéo, Plane, Kisseleva va au “bout du monde“(Tibet) par plusieurs moyens de transport, avant de fabriquer et jeter dans le vide un simple avion en papier. Métaphore du mail pointant l’idée d’une Stimmung chère à Hölderlin. Soit le sentiment, l’énergie et l’impression d’“être au monde“. Mais surtout le moment central où s’ouvre, tel un origami, l’espace où se situe l’avènement, le commencement propre d’une parole (ou d’un acte) artistique ; métaphore là du net et de l’action de l’artiste sur le net. Ainsi, par divers moyens, l’artiste mène une invocation au langage – plus qu’à l’image qui, pour elle, ne fonctionne pas comme vérité iconique ou iconologique mais comme appel à autre chose. Son art est opération linguistique. Ses déplacements dans le monde (Lassa au Tibet, Silicon Valley, Biennale de Venise) pour aller voir des bassins sémantiques “autres“ ont pour seul but de vérifier les mots “art“ et “artiste“ qu’elle s’applique, tout en décrivant une immersion dans un espace linguistique devenant peu ou prou “métaphore” du net. Lui-même bassin sémantique profond où viennent confluer toutes sortes de courants syntaxiques.Il y a ainsi chez elle une autojustification, auto confirmation, une métaphore encore (le mot grec metaphora signifie “transport“) perpétuelles de ce qu’elle est (ou voudrait être). How are you ? (littéralement “Comment êtes vous ?”) est une forme causative qui introduit la notion : “Je fais être”. Opération devenant modélisation. Kuhn dans Metaphor and Thought, nomme cela “ métaphore de la pensée ” : à la fois pensée et “modèle” de la pensée.
Métaphore II – De l’avâtar à l’être artificiel
Le speech act correspond donc à la locution “quand dire c’est faire“. Autrement dit la promesse, l’énonciation de cette promesse et sa réalisation au moment même de l’élocution. Par exemple si l’on dit “ je vous marie ” ou “ je vous baptise ”, on est effectivement marié ou baptisé par le seul fait de l’énonciation.Le dire équivalant à l’acte. Dans le site pleine-peau/mst de Frédéric Madre, très symbolique et symptomatique du speech act, se produit une double articulation portant à la fois sur l’art du net (signifié) et sur la pornographie (signifiant). La pornographie est basée sur la promesse de tout montrer, le net sur le tout dire, le tout faire. Ce qui est inimaginable en théorie. Dans le porno, l’image pure, introuvable et toujours à chercher, engendre une frustration grandissante dont se nourrit cette industrie. Dans le net.art – suite de propositions liées entre elles par de nombreux langages informatiques (html, schockwave, flash, real player, zip, mp3, etc.) qui sont elles-mêmes autant de promesses-, l’acte pur (conceptuel) est encore à identifier. Mais ne réside-t-il finalement dans cette idée de cliquer sur une invite/promesse et de la réaliser par le seul fait de cliquer ? Dès lors les liens entre promesse et frustration paraissent très étroits. Chez Madre, la promesse/frustration passe d’autant plus directement par la pornographie qu’il détourne un site porno japonais, le vide de ses images, soit en n’y mettant rien, soit en y insérant ses propres images : les unes lisibles, les autres non (4). Ces mots porteurs de promesses propres à ce type de site, comme réalités intra linguistiques Enter ou I agree (allusion aux restrictions pour les mineurs), introduisent à son propre univers extralinguistique où, là, la promesse n’est pas respectée (5). D’autre part, entre les liens du site paraissent des signes “ésotériques“, donc là aussi intra linguistiques, restes du programme Java script qui a servi à construire la page. Le site parait donc doublement désossé, constitué par couches (porno sous pleine-peau, vide/absence de porno sous pleine-peau, pleine-peau tout seul), avatar d’avatar ou avatar retourné (dans l’art contemporain, on “retourne” le tableau en installation), bâti à la fois sur le langage ésotérico-informatique (intra linguistique) et le langage performatif inhérent à l’art du net. (extralinguistique). Bien plus cependant. Car ce site désossé, reconstitué, forme une sorte d’être artificiel animé par nos propres conceptions, notre propre pouvoir/savoir conceptuel. Devant les images non-reconnaissables proposées, c’est notre propre projection pornographique, notre croyance, que nous voulons mettre. Là, le nonsense rejoint le conceptuel.
Dans le processus du net.art la langue et la langue seule devient l’élément fondateur et générateur de la création, en tant que déploiement par lequel se révèle et agit l’être artificiel (avatar) : l’artiste derrière son site. Le Grammatron de Mark Amerika, présenté au Ars Electronica Center, à l’International Symposium of Electronic Art (1997), a la forme d’un long roman construit en hypertexte (100 textes reliés par 1700 liens) évoquant aussi bien cyberspace que mysticisme kabbalistique. Sorte de conscience hypertextuelle, le site montre et décrit la constitution d’un être artificiel (Golem) par une conception mythique du langage selon la Kabbale et le Sefer Yetsirah (traité de cosmogonie du IIe et IIIe siècle de notre ère) où la création de l’être se fait par la combinaison des lettres du nom divin qui créent les mots créant eux-mêmes la conscience qui crée alors l’homme. A la base de cette idée kabbalistique du réel, il y a l’idée du nom de Dieu, YHAVE (tetragrammon), principe générateur du monde qui prend ici valeur performative. Le nom dans son énonciation même devient mode opératoire. Dans la légende c’est d’ailleurs par le fait de graver les noms divins sur le golem que celui-ci ; s’anime comme le fait d’inscrire les noms divins dans le pneuma, crée ce qui est écrit. Comme le souhaitait Derrida dans la Grammatologie, le langage apparaît originairement en tant qu’écriture. Dans le Sepher Yetzira, c’est uniquement à partir de l’écriture, “ déploiement ” du nom divin, que s’organise un jeu de permutation et de combinaison des vingt-deux lettres (consonnes) de l’alphabet hébreu lettres qui prend valeur d’animation : soit insuffler la vie ou le sens. Téléportée dans le cyberespace, la langue y devient agent à part entière. Amerika désigne cette opération Nanoscript (ensemble de données “ interdites ”, permettant la création de l’Homme) dont le nom de code est Golem. Ici le Golem devient Abe Golam, artiste virtuel du Cyberespace. Golam – en quelque sorte la conscience du Golem créée (par l’écriture) se sentant exister donc devenant artiste ou du moins cherchant à s’autodéfinir comme tel. Le Golem est le vrai symbole du net.art comme image de créature-avâtar “divin“ animé par les lettres, le langage et la combinaison des deux. Selon le principe du jeu combinatoire Oulipien. Création et “ animation ” sont devenus essentiellement faits de langage. Et cette langue, par la métaphore de son inscription dans ce qu’Amerika nomme la pure potentialité, le public narrative environnementt (soit la conscience du net) est conçue d’abord et avant tout en tant qu’écriture, objet d’une monstration qui est la “révélation” même. Conception conférant une valeur importante à la lettre plus qu’à l’image et au discours appliqué selon les présupposés artistiques. Le discours prononcé par l’œuvre étant plus de l’ordre du “je me fais devant être” que du “je suis“et donc du cogito cartésien.
(1) D’après l’épistémologue Thomas Kuhn(la structure des révolutions scientifiques), les sciences fondent des paradigmes où chacun consent à l’existence d’un certain nombre de paramètres qui établissent et confirment l’établissement d’une doctrine ou plutôt d’une croyance, et chaque chercheur sacrifie à cette croyance. Puis survient une révolution scientifique, c’est-à-dire qu’émerge du lot de de croyances spécifiques au paradigme, une question, fait d’un hasard ou rencontre d’une probabilité qui détruit l’ensemble du paradigme. Mais comment repérer l’anomalie ? Allouer à un fait artistique une signification précise afin d’en évaluer la portée et en dégager le sens pour l’ensemble de la pratique artistique, ressort d’une projection esthético-philosophique. Projection qui parait maintenant, par bien des côtés, épuisée (nous en sommes à l’ère du post-post modernisme), bien qu’on s’évertue encore à invoquer le sens d’une œuvre (d’un courant artistique). D’ailleurs toujours originale, importante et significative, selon un mécanisme inné de déclenchement de sens presque un besoin phylogénétique, pour le critique ou le conservateur ou le directeur de centre d’art ou encore le conseiller pour les arts plastiques ; en tant qu’expression de son identité par sa relation profonde au monde de l’Art. Selon la Théorie de la signification (Bedeutungstheorie) de Jacob Von Uexküll, les objets revêtent des connotations pour les sujets regardants, tout en bâtissant des paradigmes illusoires. Connotations qui sont toujours prégnantes selon un type de conditionnement à la Pavlov où l’art n’est pas seulement signe donné, mais toujours quelque chose qui nécessairement voudrait signifier.
(2) Thème de l’identité fondamental dans l’art du net et (historiquement partagé) par des artistes comme Olia Lialina, Alexei Shulgin, Vladimir Miyeski, Keath Bunting, Andy Best, JODI, Superbad, Mark Napier Etoy et RT Mark.
(3) Dans l’énoncé performatif, dont se réclame Mouchette, l’idée d’identité du “je“ conçu comme narrateur littéraire ou plutôt le sujet posé par l’indicateur “je“ intime un comportement. Ce comportement correspond alors chez l’exécutant (l’internaute) à la recherche de création d’un langage métaphorique qui engendre à son tour un désir de territoire (un déploiement de territoire tel un origami), fondateur de la validité des règles constitutives de la langue choisie/construite par l’artiste. Il y ainsi co-émergence d’intention différentes au départ mais qui convergent vers une solution ou un choix. Or, si Je signifie la personne qui énonce la présente instance de discours contenant je, le locuteur donc, Je ne se réfère à rien dans le monde si ce n’est à quelque chose d’exclusivement linguistique.
(4) Il pousse même la facétie jusqu’à mettre sur une autre page les images extraites du fameux site, tout au moins ses liens avec les caractères japonais – reproduisant ainsi la dichotomie entre promesse et frustration qui, là, de surcroît, devient nulle et non avenue puisqu’on obtient ce qu’on veut.
(5)Des promesses de photos “dégueulasses et très belles“ mènent soit à des photos anodines ou signifiantes dans leur symbolisme (chaussures), soit à d’autres photos en très gros plan où ne sont plus lisibles que d’“énormes“pixels.
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Ces deux textes retrouvés dans mes archives personelles sont des brouillons ou des versions antécédentes à la publication de cet article dans Archée
Voici une version pdf de ce même texte: Lestocart.pdf