LA SÉLECTION DE LA DEUXIÈME ÉDITION
nov 1997
Nous avons sélectionné dix œuvres conçues pour le Web qui ont retenu notre attention.
Ahasiw Maskegon-Iskwew et ses collaborateurs
ISI-PIKISKWEWIN AYAPIHKESISAK
Speaking the Language of Spiders
Créé par des artistes amérindiens, ce site utilise l’emblème de l’araignée, une figure choisie autant pour sa symbolique que pour l’allusion à la toile (web) qu’elle tisse, reprenant par là l’idée du système de liens à la base de la structure du réseau Internet. L’œuvre offre plusieurs histoires et sous-histoires qui se renvoient une à l’autre dans un mode circulaire tout en faisant référence aux cultures d’où elles proviennent. Le menu, visuellement très attrayant, rassemble des icones réalisées grâce à des techniques diverses et conçues comme autant d’entrées dans ces histoires. (Banff Centre for the Arts) SP
Antirom
The Antidote
Créé en 1994, Antirom est un collectif de 10 artistes britanniques qui résident à Londres. Le collectif inclut des musiciens, des designers, des programmeurs et des producteurs. Les artistes avouent que Antirom «est né d’une frustration face à la pauvreté de la production digitale». «The Antidote» est un exemple de leur production et de ce qu’ils appellent «engines» – des jeux interactifs digitaux. Ce projet a été conçu en langage Java. Un écran qui s’insère dans l’écran montre une séquence d’images attrayantes accompagnées de son. Le visiteur contrôle le mouvement avec la souris et en cliquant sur l’image, fait apparaître l’image suivante. Ces images amusantes qui se succèdent forment une palette électronique d’un rythme captivant. Une œuvre d’une telle sophistication et se démarquant aussi par sa construction simple et légère se trouve rarement sur le Web. Le projet se prête facilement à des manipulations et son déroulement, tour à tour continu et discontinu, évoque un mouvement perpétuel. (Obsolete) (nécessite Shockwave) RD
Cheryl Donegan
Studio Visit
L’artiste invite le visiteur à un parcours de son studio dans ses moindres secrets et lui raconte l’histoire de la fabrication d’un tableau. En se regardant travailler et franchir les étapes de réalisation de cette peinture, elle construit un pastiche amusant, semblable à une bande dessinée qui nous frappe par son opacité. Même si rien ne semble caché, le visiteur, est gardé à l’écart et ne reste qu’un observateur. Le projet est élaboré comme une anecdote de la pratique artistique, avec ses échecs et ses joies, ses moments prosaïques et merveilleux. La création est présentée comme un jeu de cartes, un casse-tête ou un calembours. Les fragments sont dispersés d’une manière déconcertante, comme s’ils ne pouvaient jamais constituer un tout. L’implication de l’artiste dans son travail fait en sorte qu’elle devient submergée par les divers éléments et considérations du processus artistique : cadres, points de vue, matériaux et motifs sont placés en désordre préconçu. Lorsque le visiteur s’aperçoit que ces éléments peuvent être engagés dans des arrangements différents, Donegan l’initie aux dilemnes créateurs. Il a souvent l’impression de rester en surface lorsque que l’artiste décrit ses routines, états d’âme, actions et confrontations avec le processus créateur. Il est suggéré, afin de comprendre l’œuvre, d’user d’une patience et d’une attention comparables à celles que la pratique artistique requièrent. (Dia Centre for the Arts)(nécessite Netscape 3.0) RD
Greg Garvey
The Automatic Confession Machine
1993
Lorsqu’il parcourt ce site interactif, le visiteur est invité à révéler ses péchés comme s’il se trouvait dans un confessionnal, à la grande différence qu’il se confie à une machine. Même si le visiteur évite ainsi le contact personnel et embarassant typique de cet exercice, un certain malaise s’installe. Cet inconfort provient en partie du fait que le réseau ne peut garantir la confidentialité des informations divulguées. D’autre part, il est troublant de régler les affaires de l’«âme» de la même manière que l’on se rend au guichet automatique… Par dessus tout, les réponses offertes par le site finissent par mettre en évidence une spiritualité commode et sclérosée, aux formules toutes faites. En cela, l’œuvre critique une certaine déhumanisation entraînée par la technologie. (Lightfactory) SP
Tom Hawkins
Red and White Dots
Bien que cette œuvre semble n’avoir rien de drôle, elle cause des éclats de rire et ricanements. Les sons anthropomorphiques et autres sons étranges ont un effet humoristique certain semblable au chatouillement. Éphémère et éthérée, l’œuvre ne dure qu’un instant et évoque un geste brusque et surprenant, faisant écho à la performance du spectateur. L’expérience de l’œuvre ne se produit qu’après cet événement, pareil à un soupir, et c’est cela qui attire l’attention. Ainsi, «Red and White Dots», aussi superficielle qu’elle peut sembler, parle d’une expérience esthétique qui ne coïncide pas avec la durée de l’œuvre mais resurgit après coup. Alors qu’elle contourne les lois de la temporalité et crée sa propre temporalité, les points, qu’ils éclatent ou qu’ils soient au repos, agissent comme une ponctuation particulière selon la fantaisie et les réactions du visiteur. «Red and White Dots» est un exemple d’une œuvre conçue comme un espace vide; sa vacuité ayant pour effet d’inviter l’imagination à la combler d’un contenu. Cette œuvre se trouve dans un site intitulé Bolderequalszero qui abrite des projets Web. RD
Sharon Matarazzo
Elsewhere
Constituée d’images fixes et de textes, cette oeuvre est pourvue d’une structure serrée et claire et d’une forme laconique. Nous ne pouvons pas nous perdre dans cette œuvre et aucune de ses parties ne peut rester inexplorée. Même si l’œuvre paraît statique, l’artiste réussit à lui conférer un mouvement intérieur, de qualité onirique produit par ce qui était suggéré, référé ou laissé de côté plutôt que par ce qui est montré. Le silence de ce montage d’images possède une qualité mélodique. Les trois images de la page d’ouverture – une pierre, un cadre et une oreille – sont non seulement des points de départ mais aussi des points d’arrivée et de transition. Le fait d’y retourner souvent concourt à dramatiser l’œuvre. À un premier niveau, elles font référence aux sens du toucher, de la vue et de l’ouie. De plus, l’artiste exprime à travers ses images, notre rapport au tangible et à l’intangible, au visible et à l’invisible. L’œuvre de Matarazzo concerne notre relation au temps, à l’espace et au désir. En ce sens, «Elsewhere» évoque la mémoire et ses réverbérations nostalgiques sont parfois empreintes d’ironie. RD
Tim McLaughlin
Threw the Read Window
1997
Quelques œuvres de poésie visuelle sont réunies à l’intérieur de ce site. À la manière des calligrammes d’Apollinaire, mais exploitant finement des outils actuels comme ceux qu’offre spécifiquement l’Internet, ces poésies s’avèrent simples dans leur rendu mais efficaces. La position et le mouvement de lettres et de mots reprennent allusivement les choses et les actions qu’ils décrivent tout en créant un écart suffisant à ces références de façon à produire un univers poétique. Les œuvres VIA et Blues Revolved sont particulièrement réussies. (Banff Centre for the Arts) SP
Mouchette
1996
Voici un site trilingue (français, anglais, néerlandais) qui manie l’écriture, le son et le visuel avec beaucoup d’humour et de perspicacité. Mouchette, une jeune artiste de 13 ans vivant à Amsterdam, accueille le visiteur et l’entraîne dans un monde insolite, déroutant et poétique. Le nom de Mouchette lui-même donne naissance à des jeux visuels (comme la petite mouche qui se promène sur l’écran) et à des références multiples (comme le film de Robert Bresson). Enfin, des menus étonnants, non conventionnels, des liens cachés et une structure en boucles où il est facile de se perdre, rendent ce site, interactif et en progression continuelle, tout à fait captivant. (nécessite Real Audio) SP
Alexei Shulgin
Remedy for Information Disease
1995-96
Ce site propose de guérir le visiteur de la surabondance des images médiatiques auxquelles il est exposé par d’autres images, pré-sélectionnées, qu’il peut manipuler selon son envie. Or, la banalité des images proposées, appartenant à la société de consommation, à un imaginaire commun et à une culture limitée à ses figures proéminentes, met en évidence la pauvreté visuelle résultant de cette surabondance. De même, les quelques manipulations offertes, loin de restituer une impression de contrôle, ne font qu’amplifier une sensation de perte d’emprise sur l’environnement visuel. L’œuvre propose un regard critique et amusant sur les technologies de l’image.(nécessite Netscape 3.0) SP
Jody Zellen
Ghost City
Dans ce projet, l’artiste utilise le médium de l’Internet comme une loupe à travers laquelle elle pose un regard sur l’expérience urbaine. D’un premier abord, l’œuvre paraît simple tout comme lorsqu’on regarde une ville pour la première fois. En progressant dans l’oeuvre, les impressions s’accumulent en devenant de plus en plus complexes. Jody Zellen crée une mosaïque d’images et de textes qui simulent une promenade dans la ville comme dans un labyrinthe. Basée sur des principes de répétition, le projet a une structure cyclique. Il abonde d’images qui bougent et qui se multiplient. Il y a plusieurs cul-de-sac, des liens cachés et des passages inattendus. Vous pouvez vous rendre plusieurs fois au même endroit (Walk In par exemple) et penser que vous vous êtes perdus. Une fois arrivé au point no where, vous choisirez de cliquez soit sur les mots soit sur l’image en dessous. Ces entrées mènent à deux chemins différents et il vaut la peine d’explorer les deux. (Banff Centre for the Arts) RD
|